1) Quel est le parcours qui vous a conduit aux jeux vidéo ?
Réponse: Enfant, j’ai eu très tôt un ordinateur, une console, dans les mains. J’ai joué à une grande quantité de
jeux vidéo quand ceux-ci tournaient sur Atari ou Amiga. J’adorais et continue d’adorer ça.
C’est ma formation dans le multimedia à l’école des Gobelins (1997) qui m’a donné les bases. J’étais
un geek rêvant à son tour de sortir son premier titre. Avec l’expérience acquise en indépendant, j’ai
pu me lancer.
2) Quel est votre bagages pour pouvoir créer, réaliser et produire vos jeux ?
Réponse: Créer : je me considère comme un artiste, un artisan (avec un petit « a »). Pour moi, créer est
nécessaire. C’est une sorte de moteur. J’ai toujours écrit des histoires, des nouvelles (je suis d’ailleurs
en ce moment même en quête d’éditeur). Je compose également (tous mes jeux ont des bandes
musicales originales). Le jeu est pour moi un média qui me permet de raconter des histoires. Ainsi,
j’ai des projets d’histoires « jeu vidéo » et d’histoires « livre ». Alors, question « bagage pour créer »,
je n’en ai pas vraiment, je préfère parler d’inspiration. Et d’envie.
Réaliser : je ne suis ni un développeur, ni un informaticien, ni un dessinateur, ni un game designer,
ni, ni, ni… Ma formation aux Gobelins m’a fait faire un tour d’horizon des techniques dites du
multimedia (vidéo, programmation, techniques web, offline, etc.). Je ne suis donc pas spécialisé. J’ai
un profil mixte. Dans certains milieux, on appelle ça un bricoleur. Et on le dit avec dédain, limite une
grimace, comme si tout était fait de travers et que ça ne valait pas grand chose. On vous prend de
haut. Dans d’autres, on dit auteur. Et c’est plus correct.
Je m’auto-forme à de nouvelles technologies, suis les évolutions logicielles ; j’apprends
constamment. Donc, pour réaliser mes projets, j’évalue la faisabilité en regard de mes connaissances
et de mes outils.
Produire : en 2000, je monte ma société PARASITE (http://www.parasite.fr). Je suis prestataire
technique auprès de sociétés de communication, de PME. Conception réalisation multimedia.
Auto-éditer est donc possible. Une autre corde à mon arc, un moyen de me diversifier. PARASITE est
la structure permettant la mise en vente de mes produits.
3) Quelles sont les principales difficultés à créer un jeu vidéo en solo ?
Réponse: Je ne fais ici que relever les principales difficultés que j’ai rencontrées. Je ne saurai dire si cela
concerne tous les créateurs solitaires.
Le temps : comme je m’occupe de tout, il faut du temps, beaucoup de temps. Et pour avoir du
temps, il faut s’organiser, organiser ses soirées (si l’on travaille après le « vrai » travail) ou ses
journées (si l’on est indépendant – ce qui est mon cas depuis 2000). Dans tous les cas, on passe du
temps sur son ordi, sur sa feuille de papier ou sur le divan, à réfléchir. Après quoi, il faut gérer ses
relations sociales. Prévenir son entourage que l’on est moins disponible, que le projet est sérieux,
important. Enfin, il faut que cela dure tous les jours. C’est un rythme de vie. Personnellement, je me
suis dit la chose suivante : libère 1 heure au minimum chaque jour pour ton projet. Que ce soit pour
un dessin, un dialogue, un objet 3d, n’importe quoi. Mais 1 heure minimum.
Le défi technique insurmontable : il m’est arrivé plusieurs fois d’avoir un problème de faisabilité. « Je
dois faire ça et ça, justement, je ne sais pas le faire. Je ne vais pas m’en sortir. » Alors il faut réfléchir
encore, passer du temps pour trouver la solution. Essayer, faire des tests, se renseigner. Combien de
fois ai-je tapé le mot « tutorial » dans Google ! Finalement, j’ai trouvé un moyen pour résoudre le
problème du défi technique insurmontable. Un exemple : dans Orisha, je voulais que l’on arrive au
bord du monde et que l’on voie, au loin, le « coeur » de Alhomepage. J’entendais petite voix : « Trop
grand. Trop de détails. Impossible ! Oublie ça et change d’idée. De toute façon, tu n’y arriveras pas. »
Au lieu de cela, j’ai réalisé les Claves. Et ensuite, je suis retourné à ce décor impossible. Comme par
hasard, je m’étais débloqué. Et même si le résultat n’est pas fameux pour certains, personnellement
c’est une réussite.
La procrastination : « Bon, j’ai le temps, je ferai ça demain. De toute façon, c’est énorme, trop de
choses à faire. » Interdit ! Impossible de fonctionner de la sorte. Je dois faire une passerelle ? Je n’en
ai pas envie ? J’en ai marre ? Alors il faut appliquer la solution : je m’occupe du petit truc. Si la
passerelle entière est un élément difficile à réaliser, je commence donc juste par la rampe. Et
progressivement, je finirai ma passerelle. En fait, mes trois jeux ont été faits sur ce modèle : faire des
petits trucs !
La faisabilité : de manière générale, je « pense » beaucoup mes projets, quels qu’ils soient. J’écris le
scénario, prends beaucoup de notes. Ainsi, je mets à plat mes idées ce qui permet d’éviter l’écueil
« Mince, j’y ai pas pensé, qu’est-ce que je fais ? » Je ne me lance dans la réalisation qu’une fois sûr de
moi.
4) Pouvez-vous nous expliquer votre choix de travailler en solo, de vendre vos jeux sur votre site web au lieu de trouver un éditeur pour distribuer plus largement vos jeux ?
Réponse: Travailler en solo : je ne connais à l’heure actuelle personne qui voudrait travailler sans assurance de
paiement sur un projet qui demande plus d’un an et demi de labeur !
D’autre part, je connais la destinée de ces jeux amateur où l’équipe (d’amis en général) se démotive
après trois mois parce qu’il faut s’occuper des enfants, partir en vacances, boire une bière, aller au
cinéma, sortir sa nouvelle petite amie… Je suis quelqu’un d’exigent ! Pas rigide mais je prône la
rigueur.
En fait, je fais mes jeux vidéo seul parce que je les considère comme des livres, des histoires. Quand
j’écris une nouvelle, je suis seul. Je suis (osons le mot) un auteur multimedia.
Trouver un éditeur : techniquement mes jeux sont développés en Flash. Orisha a été encapsulé sous
Zinc. Ces outils, un studio de jeu vidéo (mettre ici le nom d’un gros studio de votre choix) rirait à
gorge déployée s’il les voyait. Je pense qu’un éditeur sait cela également. Je perds donc en
crédibilité. Pour ces gens, je fais amateur.
Sans compter que mon projet ne rentre dans aucune étude de marché. Ce ne sont pas des jeux
vraiment nouveaux. Et puis ce sont des titres sérieux, pour adultes qui aiment qu’on leur raconte une
histoire. C’est philosophique, intellectuel… On est loin du casual-game très en vogue où l’important
est de produire du fun en moins de cinq minutes.
D’autre part, chercher un éditeur, je n’y pensais pas vraiment. Je voulais toucher les joueurs
directement. Diversifier mon métier en faisant ce que j’aime. Pour mes nouvelles, par exemple, la
question ne se pose pas : je veux, je dois trouver un éditeur !
- Tout d’abord si vous voulez bien Alexandre, parlons un peu du jeu Alhomepage avant de parler de votre nouveau jeu Orisha : la suite d’Alhomepage -
5) Ou vous est venu l’idée de ce jeu ?
Réponse: Après Micky’s Adventures, j’ai eu envie de raconter des histoires « sérieuses ». J’avais été
impressionné par Riven, comment Cyan avait réussi à intégrer toutes les énigmes du jeu dans le
scénario. Je voulais faire la même chose. Et puis, j’avais envie de développer un point de détail dans
Micky : les Avatars.
J’ai donc commencé un projet – appelons-le projet X. C’était insurmontable ! J’utilisais Director et le
développement était trop long. Le rendu 3d, que je voulais photo-réaliste, prenait un temps fou sur
une machine qui s’essoufflait. Le scénario allait en diminuant, je revoyais les énigmes pour les rendre
plus faciles… Finalement, j’ai tout perdu à cause d’un virus. Soupir.
A partir de ce moment-là, j’ai pensé à quelque chose de plus accessible, de plus efficace.
Alhomepage – Les premières expériences, est le résultat de cette réflexion. Parti pris graphique anti-standard.
Mais on est très loin de ce que j’imaginais dans projet X.
6) Quels moyens techniques avez-vous pris pour créer ce jeu ?
Réponse: J’ai travaillé avec les logiciels que j’utilise pour mes travaux professionnels. Flash, Bryce, Cubase,
Photoshop. Et une kyrielle de freewares. Je voulais quelque chose de simple. Tant du point de vue de
la réalisation que du rendu final.
Il faut dire aussi que ma société n’a pas l’envergure suffisante pour investir dans de gros moteurs de
jeux. Et je n’ai pas non plus le bagage nécessaire pour en développer un. Ce n’est pas mon objectif.
Avec mes outils, je peux réaliser des jeux. Certes pas Fallout 3. Mais d’une autre facture, ils seront
tout de même corrects. Sachant que l’important pour moi est de transmettre une vision personnelle,
de raconter une histoire, plutôt que d’épater la galerie avec un nouveau moteur de jeu
« sensationnel ».
7) Créer Alhomepage a été difficile ou aisé ?
Réponse: Il faut s’entendre sur le mot « créer ». Pour moi, créer un jeu vidéo, c’est noter, écrire, faire des
croquis, des schémas voire des arborescences. En soi, ce n’est pas « aisé ». Mais c’est la partie que je
trouve la plus fun vu que je peux laisser libre cours à ma créativité.
La réalisation, pour moi, ce n’est plus de la création. Mais de la fabrication. « Il faut faire en sorte
que ça marche. » Je trouve cette partie&-là bien plus difficile. Je n’ai pas l’impression de créer quoi que
ce soit.
8) Parlons de votre tout nouveau jeu; Orisha : la suite d’Alhomepage.
Que pouvez-vos nous dire au sujet du jeu ?
Réponse: Orisha reprend un peu du contenu du projet X. Notamment le méchant Tom Ertonn. L’idée de
l’Orisha est venue tout de suite après Alhomepage – PE.
J’ai voulu raconter une histoire exactement sur le même mode que mes nouvelles. Avec l’expérience
utilisateur (du joueur) en plus. En fait, on peut dire que j’ai réalisé en deux jeux ce que je voulais faire
en un seul.
Avec Orisha, j’ai voulu répondre à la question : « Et si je donnais le meilleur ? » Du coup, tout a été
pensé au maximum. Je précise : au maximum de ce que je peux faire ! Certains diront que les images
manquent de quelque chose, d’autres critiqueront la qualité audio. Bien sûr, ce n’est pas parfait,
c’est le problème du travail solitaire sur des projets qui doivent regrouper plus d’une spécialité. Mais
dans l’ensemble, je considère Orisha comme mon petit grand chef d’oeuvre vidéo-ludique.
À titre d’information, les coûts de production du projet ont été évalués à environ 40 500 euros si
j’avais payé des gens pour le faire. Moi, ça me laisse songeur. Surtout quand je me dis que j’ai tout
fais seul (rires).
Enfin, Orisha n’est pas un geek project.
9) Faire une suite pour Alhomepage est survenue spontanément ou était prévue dès le début ?
Réponse: Avec le projet X perdu et Alhomepage – PE qui est une sorte de version light, je sentais que j’avais
encore d’autres choses à dire. Orisha contient l’essentiel de ce que je voulais faire. Bien sûr, ce n’est
pas une fin en soi..
10) Point de vue technique, qu’y a-t-il de différent pour ce jeu versus Alhomepage 1er ?
Réponse: Principalement l’utilisation de Zinc qui donne la possibilité d’enregistrer des fichiers au format xml,
changer la résolution, etc. Le moteur du jeu est différent, plus optimisé, même si vous ne vous en
rendez pas compte pendant votre partie. Le gameplay a été revu également : il n’y a plus ces écrans
intermédiaires (sur les côtés droit et gauche) qui concourraient à égarer le joueur dans le décor.
Enfin, il y a maintenant un vrai curseur « intelligent ».
Mais ce qui saute aux yeux, bien sûr, c’est le graphisme. Le décor est plus richement travaillé, les
objets texturés et j’ai utilisé un éclairage en dôme de lumière pour obtenir les ombres douces. On
n’est plus du tout dans le même environnement.
11) Et pour l’ambiance, les énigmes, les personnages etc., qu’y a‐t‐il de différent ou de nouveau
pour ce jeu ?
Réponse: Alhomepage est une grande visite ponctuée de quêtes à remplir. C’est, je trouve, un puzzle game
facile avec une grande part d’aventure et de découverte. À la fin, le joueur a la sensation de s’être
bien amusé mais de ne pas avoir appris grand-chose.
La grande différence est que dans Orisha, le joueur est impliqué directement dans un drame. Depuis
Alhomepage – PE, il s’est passé quelque chose dans l’univers de AL. Et c’est au joueur de le
découvrir. D’ailleurs, le jeu repose exclusivement sur le scénario. Sans ce dernier, le jeu ne peut pas
exister. Orisha est donc avant tout un récit. Le média utilisé pour raconter cette histoire est le jeu
vidéo. Bien sûr, ce n’est pas pour autant linéaire. J’ai fait en sorte de donner une grande liberté de
choix au joueur. On peut finir le jeu comme on le souhaite.
12) Êtes-vous satisfait des résultats ?
Réponse: Oui et non.
Oui : l’objectif est atteint. L’histoire est bien celle que je voulais raconter (rires) et pose une vraie
question sur la volonté. Côté technique, n’étant ni dessinateur ni modeleur 3d, je trouve le décor
attirant. Les musiques sont de bonne facture et sont un réel support aux images.
Non : j’aurais aimé faire plus d’ambiances différentes dans les zones. Ajouter plus de détails dans
chacune d’elles. Avoir plus d’éléments en mouvement pour donner une bonne impression de vie.
13) Avez-vous déjà des idées, des projets pour votre prochain jeu vidéo ou réalisations ?
Réponse: Oui. Je prends des vacances (rires). Je laisse le myst-like de côté et souhaite faire un jeu d’aventure
tout aussi sérieux et adulte mais dans le genre plateforme.
En parallèle, j’écris toujours des nouvelles.
14) Un dernier mot pour les membres d’Atlantis Amerzone et cie, qui compte beaucoup de joueurs aimant Alhomepage ?
Réponse: Je les remercie énormément pour leur accueil et leur curiosité. Également Manu qui m’a proposé
immédiatement de parler de Alhomepage sur le site et de faire de la publicité. Je ne m’attendais pas
à un tel enthousiasme, un tel intérêt.
Un grand merci Alexandre Venet pour avoir répondu à ces quelques questions.
Tout le succès possible pour votre nouveau jeu Orisha : la suite d’Alhomepage.